"Comme Clermont n’était pas encore considéré début mars comme contaminé,
nous sommes partis Cécile et moi en stage près de Bordeaux, chez notre
maitre SO CHO KUN. Un stage de TAICHI traditionne faisant partie du
programme de perfectionnement des élèves, et dans une région quasi
épargnée par l’épidémie. De notre côté, partis en van, en autonomie
alimentaire, nous avions déjà restreint nos interactions sociales au cas
où.. Ca a été aussi l’occasion après le stage de discuter avec le maitre
de sa façon d’envisager la situation et l’actualité, de par sa culture
asiatique (il est japonais) , mais surtout comme maitre traditionnel
mettant en œuvre au quotidien les principes taoistes de sa tradition qui
n’est pas que martiale mais qui s’intéresse aussi à trouver la place
de chacun dans la société civile et dans la nature.
Ne pas aller
contre la nature, si on peut résumer ainsi cette philosophie qui ne
prône cependant pas des généralités bienveillantes de laisser faire
paresseux. Quand on rencontre un maitre taoïste, on n’a l’impression
qu’il est très sympathique et très disponible pour vous, et qu’il suffit
donc de l’imiter en ne faisant pas grand-chose, selon ce qu’on voit de
lui, dans l’idée que le Tao vous portera d’autant plus que vous ne
faites rien. Hors ces maitres sont bien des forcenés de l’étude
permanente ; leur parcours est fait de difficultés et de dépassements «
extraordinaires », ils ne sont jamais dans l’aboutissement final. Ne
rien faire , ne pas bouger au sens taoiste sont des compétences hors du
commun, demandant une expertise simultanée du corps, de l’énergie et de
la conscience. Avec la pratique on comprend l’étendue du travail à
faire, et malgré tout dès le premier pas on ressent que l’on ne peut
plus faire machine arrière sur un chemin dont on ne peut pourtant ni
saisir la finalité ni en saisir l’objectif. Le cheminement va nous
transformer. Nos questions initiales auront été posées par quelqu’un
d’autre que nous ne serons plus. De fait, on ne peut pas demander à un
maitre de nous enseigner un enchainement qui nous plairait, ou dont on
pense qu’il est adéquat. Le pire est qu’il vous donne ce que vous
demandez : vous n’aurez pas changé, juste accumulé un savoir déconnecté
de sa source vivante et qui finira par s’étioler ; et que vous finirez
par remplacer par un autre qui vous semblera meilleur, auprès d’un autre
maitre qui vous semble plus attentif à votre exigence. Au mieux, un tel
maitre ne vous répondra pas à votre demande. Il fait alors ce qu’il
convient de faire, par rapport à un système cohérent et vivant de
connaissances très étendu, s’il estime que votre demande est au fond
sincère et que vous êtes à même d’avancer même modestement. C’est dans
notre esprit occidental très difficile de comprendre pourquoi à la fois
le système traditionnel est d’une exigence aussi élevée que celle de la
NASA, et qu’en même temps un maitre ne va pas hésiter à faire preuve
d’une patience sans limite auprès d’élèves qui commencent à un âge
avancé, ou qui ont des incapacités physiques définitives. C’est que
manifestement notre système occidental, basé sur les performances
sectorisées, les normes, ne convient pas.
Discuter avec un tel
maitre, ce n’est pas en recevoir des certitudes et des croyances. C’est
être stoppé net dans notre routine : c’est être remis en question :
qu’est-ce qui est important ? Quelle est notre cohérence dans nos
actions ? C’est à nous de faire le boulot, personne et encore moins le
maitre ne le fait à votre place." — Marc Kazmierczak, président de l'association Esprit ShaoYin (Clermont dans l'Oise)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire