samedi 28 mars 2020

"On ressent que l’on ne peut plus faire machine arrière..."

"Comme Clermont n’était pas encore considéré début mars comme contaminé, nous sommes partis Cécile et moi en stage près de Bordeaux, chez notre maitre SO CHO KUN. Un stage de TAICHI traditionne faisant partie du programme de perfectionnement des élèves, et dans une région quasi épargnée par l’épidémie. De notre côté, partis en van, en autonomie alimentaire, nous avions déjà restreint nos interactions sociales au cas où.. Ca a été aussi l’occasion après le stage de discuter avec le maitre de sa façon d’envisager la situation et l’actualité, de par sa culture asiatique (il est japonais) , mais surtout comme maitre traditionnel mettant en œuvre au quotidien les principes taoistes de sa tradition qui n’est pas que martiale mais qui s’intéresse aussi à trouver la place de chacun dans la société civile et dans la nature.
Ne pas aller contre la nature, si on peut résumer ainsi cette philosophie qui ne prône cependant pas des généralités bienveillantes de laisser faire paresseux. Quand on rencontre un maitre taoïste, on n’a l’impression qu’il est très sympathique et très disponible pour vous, et qu’il suffit donc de l’imiter en ne faisant pas grand-chose, selon ce qu’on voit de lui, dans l’idée que le Tao vous portera d’autant plus que vous ne faites rien. Hors ces maitres sont bien des forcenés de l’étude permanente ; leur parcours est fait de difficultés et de dépassements « extraordinaires », ils ne sont jamais dans l’aboutissement final. Ne rien faire , ne pas bouger au sens taoiste sont des compétences hors du commun, demandant une expertise simultanée du corps, de l’énergie et de la conscience. Avec la pratique on comprend l’étendue du travail à faire, et malgré tout dès le premier pas on ressent que l’on ne peut plus faire machine arrière sur un chemin dont on ne peut pourtant ni saisir la finalité ni en saisir l’objectif. Le cheminement va nous transformer. Nos questions initiales auront été posées par quelqu’un d’autre que nous ne serons plus. De fait, on ne peut pas demander à un maitre de nous enseigner un enchainement qui nous plairait, ou dont on pense qu’il est adéquat. Le pire est qu’il vous donne ce que vous demandez : vous n’aurez pas changé, juste accumulé un savoir déconnecté de sa source vivante et qui finira par s’étioler ; et que vous finirez par remplacer par un autre qui vous semblera meilleur, auprès d’un autre maitre qui vous semble plus attentif à votre exigence. Au mieux, un tel maitre ne vous répondra pas à votre demande. Il fait alors ce qu’il convient de faire, par rapport à un système cohérent et vivant de connaissances très étendu, s’il estime que votre demande est au fond sincère et que vous êtes à même d’avancer même modestement. C’est dans notre esprit occidental très difficile de comprendre pourquoi à la fois le système traditionnel est d’une exigence aussi élevée que celle de la NASA, et qu’en même temps un maitre ne va pas hésiter à faire preuve d’une patience sans limite auprès d’élèves qui commencent à un âge avancé, ou qui ont des incapacités physiques définitives. C’est que manifestement notre système occidental, basé sur les performances sectorisées, les normes, ne convient pas.
Discuter avec un tel maitre, ce n’est pas en recevoir des certitudes et des croyances. C’est être stoppé net dans notre routine : c’est être remis en question : qu’est-ce qui est important ? Quelle est notre cohérence dans nos actions ? C’est à nous de faire le boulot, personne et encore moins le maitre ne le fait à votre place." — Marc Kazmierczak, président de l'association Esprit ShaoYin (Clermont dans l'Oise)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire