vendredi 7 octobre 2011

Faire déclencher un nouveau regard

 J'ai pour coutume d'évaluer le niveau d'avancement des élèves selon les regards qu'ils portent sur les choses. Comme on ne peut interpréter l'enseignement qu'à la lumière de ce que l'on a vécu et qu'à la hauteur de sa compétence, il est normal que les élèves, d'une perspective actuelle limitée, ne regardent que ce qu'ils veulent regarder. Notre rôle, en tant qu'enseignant, est de faire déclencher, d'une perspective plus vaste, un nouveau regard chez eux pour les hisser plus haut.

 Ceux qui acceptent leur ignorance et qui veulent bien prendre les moyens de se soumettre aux exigences propres à la discipline progressent vite en général. A contrario, ceux qui n'acceptent que des choses intelligibles à leurs yeux et qui ne font que tergiverser au lieu d'agir face aux exercices proposés font tôt ou tard défection (cf : Est-ce que le Taï Chi est vraiment à la portée de tous ?).

 Or, une vraie technique se doit d'être insaisissable et inintelligible aux yeux vulgaires. C'est quelque chose à laquelle personne ne croit au début, mais quand on voit les résultats, on ne peut faire autrement que constater son efficacité. L'efficacité ne s'accroît pas en fonction de la vitesse d'exécution. Ce qui est lent est rapide et inversement. Il est naturellement difficile de saisir l'essence d'une technique, car derrière elle, il y a martialité—ensemble de la motricité fine, la réaction physionomique et le psychisme.

 On ne se rend compte de l'existence de la martialité que lorsqu'on a rencontré suffisamment de difficultés d'adaptation aux exigences du maître, et que son scepticisme se porte non sur le processus d'entraînement, mais à son propre maniement du corps. C'est de cet état de conscience que naît le vrai plaisir d'accepter son ignorance. Ceux qui ont su accepter leur ignorance sont des gens heureux car ils ne font que découvrir des domaines inconnus.

 Et une fois que l'on a découvert que toutes les clés de décryptage se trouvent dans les formes (enchainements) traditionnelles, on prend énormément de plaisir à y travailler d'autant plus qu'il s'agit là d'un puits de bonheur sans fond.

 Autant d'entraînements, autant de métamorphoses. C'est lorsqu'on "accepte" de se soumettre aux conditions exiguës de chrysalide que d'une vilaine larve on peut alors se transformer en beau papillon.

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