mercredi 12 octobre 2011

Pas encore...

 La dernière fois que j'ai parlé à mon maître au téléphone remonte à deux ans, au retour à Bordeaux de mon voyage au Japon où il m'a dévoilé l'un des derniers secrets. La conversation fut très brève. Il m'a dit, "ce n'est pas la peine de me demander si oui ou non de telles et telles choses sont justifiables, tout ce qui contredit les principes fondamentaux est à rejeter" et pour conclure, "ne m'appelle que quand tu auras trouvé une véritable question !".

 Or il faut être stoïque pour que l'affectif ne parasite pas la relation maître-disciple. Je suis l'un des disciples les plus proches du maître, et le plus désolidarisé en même temps. Depuis que j'ai décidé de le suivre il y a 23 ans, j'ai viré de ma tête dès le premier stade de l'apprentissage toutes les "ordures méningères" toxiques qui pourrissent notre planète-terre, du genre : "pourquoi il ne me répond pas à la question !", "il ne m'a même pas regardé aujourd'hui !", "il ne me corrige même pas !"... Même s'il ne me demande jamais de mes nouvelles, cela ne m'affecte pas car c'est à moi de lui en donner.

Il ne faut jamais rendre son maître redevable
de quoi que ce soit. 

 Alors il ne faut pas s'attendre à un traitement affectif ? ― Il n'y a pas d'affectif dans la forme, mais dans le fond cela existe. La preuve, il m'a rendu autonome.

 Enfin bref. Depuis, pas une seule fois, j'ai voulu décrocher le téléphone pour lui poser des questions. À chaque fois, sur le moment, j'étais persuadé qu'il s'agissait d'une véritable question mûrie par une véritable réflexion. Mais dans la tentative de formuler au préalable des hypothèses taillées sur mesure pour rendre mon coup de fil éligible, je me rendais compte que la plupart des questions se résolvaient peu à peu d'elles-mêmes. Sans doute, cela aurait été une bonne question, mais ce n'était pas celle que je suis censé lui poser. Je décide ainsi d'y renoncer pour quelque chose de plus important.

 C'est un peu comme l'histoire d'un juif échappé du ghetto que j'ai apprise à l'école primaire et que j'ai racontée lors de mon stage de Taiji dernier (le we du 8-9 octobre 2011). Si ma mémoire est bonne, en tous cas, ce que j'en ai retenu est la chose suivante : durant sa cavale, il avait sur lui dans son aumônière un morceau de pain complètement sec et à chaque fois qu'il éprouvait une faim insupportable, il le sortait et le contemplait en se disant qu'il lui restait encore de quoi manger en dernier recours, ce qui lui a sauvé la vie.

 Quand l'envie du coup de fil me passe par la tête, je pense à cette anecdote. Moi aussi, j'ai ce petit morceau de pain qui me rassure, me donne du courage pour continuer d'avancer sur mon chemin tout seul.

Un jour je l'appellerai, mais pas encore...

1 commentaire:

  1. Cher Maître,
    Je constate et confirme à chaque fois que l'on apprend également beaucoup en dehors du dojo (cf. les 2 derniers blogs postés).
    Respectueusement,
    Manuel

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